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Dossier prostitution
Auteur : BB
         emonter à la source de la prostitution                       est une entreprise difficile. Il est plus                       aisé de l’appeler le plus vieux métier du                   monde et de considérer qu’il existe depuis les premières sociétés. Néanmoins, on peut être en mesure de relater quelques faits qui remontent à la plus haute antiquité. 

La scène se passe en Grèce antique. En ce temps-là, les femmes seront plutôt désignées comme « servantes des dieux », la religion ayant l’aplomb de poétiser les plaisirs. On raconte qu’un grand nombre de comédies antiques portaient pour titre des noms de courtisanes. Elles avaient en effet, une place majeure et reconnue dans cette société là, qui accordait une grande importance à la volupté. Les Grecs divisaient leurs courtisanes en quatre classes :

Les joueuses de flûte étaient les femmes que l’on convoquait à la fin des repas en guise de douceur, ou que l’on invitait aux fêtes. Les familières étaient celles auxquelles les hommes s’attachaient pour un temps plus ou moins long, pareilles aux femmes entretenues du XIXème siècle. La troisième classe était pour celles qu’on appelait les favorites, maîtresses de rois, de princes ou de généraux qui de fait, bénéficiaient d’un certain prestige. Enfin, les philosophes en quatrième classe étaient des femmes érudites et d’une certaine façon beaucoup plus affranchies grâce à leurs connaissances. Sapho, pour n’en citer qu’une, faisait partie de cette catégorie de femmes.

 

Malheureusement, existait déjà à cette époque l’équivalent de la fille publique, qui n’avait pas sa place dans le classement ci-dessus. C’étaient les dictériades, femmes esclaves qui donnaient à leur maître ou maîtresse, tout l’argent qu’elles gagnaient en échange de leur beauté. Ces femmes n’avaient que pour seule ambition, l’espoir de s’élever au rang de familières afin de s’affranchir.

 

Courtisanes de haut vol et filles publiques

 

Une ellipse m’est nécessaire pour poursuivre cette histoire, les références à la profession manquant cruellement jusqu’au XIXème siècle. On notera que sous Henri IV, les femmes reprendront une place importante dans la société mondaine. Leur corps sera leur première arme pour gagner les faveurs de la noblesse. Des noms comme Marion de Lorme, et Ninon de l’Enclos marqueront les XVII et XVIIIème siècles. On pensera aussi à Madame de Montespan qui sera choisie par Louis XIV en tant que maîtresse régulière et qui en échange, sera logée à bonne enseigne, dorlotée comme une reine.

 

Jusqu’au XIXème siècle, la prostitution sera considérée comme un phénomène impropre au débat politique et ne sera prise en compte que de façon officieuse. Mais la nécessité oblige l’état à regarder les choses en face : les maladies

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et les vices sont contagieux et menacent tous ces bourgeois qui aiment s’encanailler dans le plus grand secret. Un homme médecin, Parent-Duchatelet commence alors une étude sociologique et dresse des portraits types de la prostituée. Ses travaux serviront de bases au réglementarisme, courant qui aura pour ambition de contrôler au millimètre près l’activité des prostituées. Elles devront rendre beaucoup de comptes à la police des mœurs, aller régulièrement au dispensaire pour une visite médicale, et s’inscrire à la préfecture.


Une étiquette pour chacune


Parent-Duchatelet les distinguera de la sorte :

La fille de La Cité, complice du galérien ou du malfrat qui exerce souvent son métier de façon clandestine et qui est de fait la cible principale de la police des mœurs. Elle représente la couche populaire.

La fille de Boulevard (également appelée la fille en carte), à l’inverse de la fille de la Cité choisit « délibérément » d’exercer son métier. Pour ce faire, elle doit se trouver malgré tout un amant qui sera son protecteur et qu’elle rétribuera généreusement. Cet homme est choisi par la fille elle-même, il peut être apprenti, ouvrier, et sera pêché dans un bar. Après avoir passé la nuit avec la fille, elle lui proposera de gagner plus d’argent qu’en l’état

d’homme honnête. S’il est séduit, la corporation des souteneurs testeront sa résistance physique et morale, valideront sa capacité à protéger une fille et à se faire entretenir par elle. Tous les 6 mois, elles sont contraintes d’aller au dispensaire, épreuve redoutée car elle détermine si oui ou non, elles peuvent continuer à exercer. Si leur santé est acceptable, un tampon de l’administration met à jour leur carte, carte qui sera demandée systématiquement par la police, et quelquefois par les clients. Si leur état n’est pas conforme, elles seront conduites à l’hôpital St Lazare, entassées dans un fiacre.

 

La fille de maison est un peu l’aristocrate de la fille publique bien que cela dépende du standing de la maison. Dès lors qu’elles entrent en service, la dame de maison leur remet un numéro d’ordre pour le dispensaire. Elles ne sortent presque jamais de la maison, les visites médicales sont la plupart du temps à domicile. Le dimanche, elles gagnent leur propre argent, seul jour où elles sont autorisées à racoler pour leur compte. La dame de maison s’arrange toujours pour endetter ses filles afin qu’elles restent le plus longtemps possible.

 

Tolérée, mais pas légale

 

Malgré le fait que la prostitution soit un sujet sur lequel on se penche beaucoup à cette époque, on ne lui donne pas pour autant un statut légal. La profession est réglementée et seulement tolérée ce qui favorise les abus. Les maisons de tolérance sont louées à des prix convenables, mais les propriétaires réclament systématiquement des pots de vin qui représentent un coût très élevé.

 

Le réglementarisme « purifie » certes la prostitution, mais qu’en est-il de la fille publique, de sa sécurité, de ses droits ? En Angleterre, on s’inspirera des notions réglementaristes françaises pour contrer la menace « tout à la fois morale, sociale, sanitaire et politique » que constitue la prostitution. Mais c’est suite à cette mise en pratique que le pays fondera les premières bases du courant abolitionniste, créées par le LNA (Ladies National Association) après 1870.

 

Sources : Alexandre Dumas, Filles, Lorettes et Courtisanes – Lilian Mathieu, La Fin du Tapin

© Philippe Leroyer.

Le 22 mars 2008 pendant la pute pride

La révolte
prostitutionnelle

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© Philippe Leroyer.

Le 22 mars 2008 pendant la pute pride


                   n juin 1975, une centaine de prostituées                    occupent l’église Saint-Nizier pendant                      une semaine pour protester contre la                          répression policière abusive dont elles                      sont victimes.  Au cours de cette mobilisation, elles seront amenées à se lier avec des associations féministes ou encore le Nid, qui pourtant ne partagent pas les mêmes revendications.

Quelques mots d'Histoire



L’abolitionnisme : faire disparaître la prostitution sans pénaliser ses victimes

Ce n’était pas leur première tentative bien que ce fût celle qui fit le plus de bruit. En effet, trois ans plus tôt, elles souffraient déjà de la répression et de la fermeture en masse des hôtels de passe. C’est ainsi qu’elles avaient tenté en 1972 de taper du poing sur la table en organisant une marche qui fut moquée par les médias. Du fait de son manque d’organisation, et de la peur de se montrer, peu de prostituées étaient présentes ce jour-là et en à peine deux heures, leur rassemblement fut dissipé par la police. Par conséquent, l’opinion publique ne vit qu’un folklore à travers cette protestation et la voix des prostituées n’eut aucun impact.


Pourtant, leur révolte était justifiée. Depuis l’arrivée du courant abolitionniste, leur condition d’activité se dégradait. La police des mœurs gagnait en marge de manœuvre et certains agents se trouvaient impliqués dans des magouilles avec les souteneurs et quelques hôtels de passe. Quand les ripoux furent montrés au grand jour, beaucoup de représentants de l’ordre furent radiés et l’état exigea une grande transparence quant aux actions policières. C’est pourquoi la police des mœurs n’eut plus le monopole dans le secteur prostitutionnel et il fut admis que chaque représentant de l’ordre, quelle que soit sa spécialité, pourrait intervenir auprès des travailleuses du sexe.


Répressions policières de masse et revendications


Les prostituées initialement installées place Bellecour furent déplacées et cela ne les empêcha pas de créer une certaine solidarité entre elles. La répression massive de la police constitua le tissu de leur lien : elles s’informaient entre elles sur les descentes policières et lors des rafles, tandis qu’elles se retrouvaient dans la même cellule de garde à vue, elles en profitaient pour partager leurs idées entre deux parties de cartes. Tout cela créera un réseau et la possibilité aux prostituées de poser les premières bases de leurs revendications.


Leurs revendications, quelles sont-elles ? Autant le système abolitionniste se vante de vouloir aider les prostituées à se réinsérer qu’il abonde en mesures répressives. Les prostituées se retrouvent endettées jusqu’au cou et il leur coûterait une vie entière de « travail honnête » pour payer les contraventions policières. Elles dénoncent donc l’absence de cohérence dans la loi. C’est sur ce dernier point que l’association du Nid sera sollicitée au printemps 75 pour s’allier à leur cause. Elles réclament également de la précision sur le « délit d’incitation à la débauche » qui à cette époque, manque de clarté et qui de fait, invite aux répressions abusives.


Une mobilisation qui s’organise


Au début du mois de juin 1975 donc, le Nid qui est issu du catholicisme social négocie avec les autorités religieuses afin d’obtenir l’autorisation d’occuper l’église St Nizier. Le choix de ce mode de protestation est très réfléchi et largement influencé par le Nid. D’une part, le lieu saint qui inspire la non-violence protègera les prostituées des expulsions policières, d’autre part, le fait que ce dernier soit clos garantira l’anonymat de certaines filles dont la famille ignore leurs activités. Enfin, le symbole de l’église, gardien des bonnes mœurs assurera à ces travailleuses trop souvent jugées débauchées, le retentissement médiatique de leurs revendications.

Ulla, qui sera la porte-parole de ce mouvement déclarera :

«  Les jeunes femmes (NDLR les prostituées) n’auraient jamais pu suivre si leur mac n’avait pas donné leur signal…”


En effet, il aura fallu convaincre les souteneurs de l’intérêt qu’ils avaient à soutenir ce mouvement. De la même façon, beaucoup de “jeunes femmes” se seront mobilisées sous la menace d’autres prostituées qui avaient plus d’influence.


Les conséquences de l’occupation


Cette occupation fera parler d’elle au point que des associations féministes, profitant de la conjoncture s’allieront à leur cause. Leur soutien aux occupantes se manifestera par une collecte d’argent et une pose de panneaux. 


Mais à l’issue de la mobilisation, les demandes de médiations qu’elles auront successivement adressées à la secrétaire d’État, F. Giroud et à la ministre de la Santé Simone Veil seront restées lettre morte. Néanmoins, cela aura eu un écho national qui prendra de l’ampleur par la suite. À Paris notamment, où les prostituées parisiennes s’allieront aux féministes et provoqueront ainsi “une reconfiguration des alliances marquée par un affaiblissement des abolitionnistes”. En décembre 1975, un magistrat nommé Guy Pinot remettra au gouvernement un rapport qui proposera un certain nombre de mesures d’aménagement de la prostitution.


Source = Lillian Mathieu, Une mobilisation improbable : l’occupation de l’église St-Nizier par les prostituées lyonnaises – Revue française de sociologie, 1999, vol40, n° 3.



Le réglementarisme : La prostitution est une réalité inévitable qu’il faut encadrer.

 

 

Les associations qui viennent en aide aux prostituées étaient initialement religieuses.  Les considérer comme des personnes malades et leur donner les moyens de devenir de bonnes filles étaient le combat initial des abolitionnistes. Aujourd’hui encore, on parle de réinsertion sociale de  la prostituée.

Mais qu’en pensent les premières concernées ? Il aura fallu attendre les années 70 pour qu’on entende parler d’elles en tant que citoyennes réclamant leurs droits. Ces premiers mouvements ont donné lieu à la création d’associations communautaires qui apportent un regard plus moderne et plus adapté à la réalité du terrain. Les prostituées souhaitent être considérées comme des travailleuses et ainsi bénéficier d’un statut légal.

 

Sources : La fin du tapin, Lilian Mathieu – Les filles de Noces, Alain Corbin.

 

Emanciper la prostituée : émergence d’associations communautaires

 

En Angleterre, la Ladies National Association (LNA) sera une figure de proue pour mettre en place une politique abolitionniste. Cette association féministe et puritaine qualifiera le règlementarisme « comme une imposture dénuée d’efficacité sur le plan sanitaire, une atteinte à la dignité et à la liberté des prostituées et un encouragement à l’immoralité masculine »

La sauvegarde des bonnes mœurs est l’argument majeur des puritains mise en qui constituera un autre mouvement : les prohibitionnistes.

 

Ce sera en 1958 avec une ordonnance qui favorise la réinsertion des prostituées sera mise en place par l’ONU dans une dizaine de départements en France que la position abolitionniste sera démocratisée.  Dès lors, les associations  agiront avec l’idée que les femmes prostituées sont tout d’abord des victimes.

A l’aube du XIXème siècle, de nombreux médecins et politiques veulent éduquer le peuple à l’hygiène afin de combattre les maladies.  La prostituée est vue comme un être subalterne que l’élite se doit de contrôler. Ouverture de maisons de tolérance, création de dispensaires sanitaires et inscription de la prostituée dans un registre à la préfecture ; ainsi sont les moyens mis en œuvre pour maîtriser cette tendance. La fille publique devient donc une cible idéale pour la police des mœurs qui exigera d’elle une transparence sévère : une carte régulièrement mise à jour attestera de leur bonne santé et sera leur passeport pour pouvoir continuer à exercer.